Pouvoir Aveugle et Réalités Persistantes
A l'approche des élections et pour prolonger et/ou assurer un nouveau mandat, les démons se déchainent comme les pères Noëls pour ce nouvel an. Les promesses se mettent à pleuvoir au point de dépasser nos rêves les plus insensés et nos frustrations les plus profondément enfouies. Comme par magie, les privations accumulées sur un demi siècle; parfois plus pénibles que celles du colonialisme; vont enfin peut être trouver satisfaction. A nous; sans efforts et sans mérites; les bons cadeaux de la baraka des hydrocarbures: les logements, les postes de travail, les projets-Ansej, les prêts à la consommation, les diplômes pour tous, la disparition de la bureaucratie, l'électricité, l'eau, le gaz, les autoroutes, et tout. Il ya aussi l'équipe nationale qui a gagné: 1-2-3. Il ya même la météo qui prévoirait un hiver très pluvieux et les sorciers qui annonceront les années à venir fécondes. Que manquerait t-il alors à notre bonheur! et puis on est fier, nous-les algériens. C'est vrai, le plus souvent on ne sait pas de quoi ni pourquoi. On aime déclarer qu'on est fier, c'est tout et c'est bien!
Cette fois-ci, c'est peut être parce certains veulent nous conduire vers le quatrième mandat comme on entre dans la quatrième dimension de la relativité d'Einstein ou l'espace et le temps s'entremêlent. La preuve, on nous dit qu'on est le 13ème pays qui va accéder à l'espace avec la Nasa par la grâce de quelques uns de nos chercheurs et non par la grâce du pétrole. Quelle prouesse! Pour ma part, je n'arrive pas a comprendre pourquoi nous vivons dans un pays ou il ya des mondes parallèles qui ne s'interpénètrent que le temps de préparer les mandats. Pourquoi ce pouvoir voudrait-il nous envoyer dans l'espace alors qu'il n'arrive pas à résoudre des problèmes basiques comme se procurer des documents administratifs aux citoyens ou tenter de freiner la corruption?
Peut être, parce qu'on va finalement nous avouer ce que nous avons toujours su et qu'on n'a pas osé nous dire, c.-à-d. que nous vivons dans le royaume de la médiocrité avec la nuance que nos médiocres ont un appétit insatiable. De plus, ils ne savent ni démissionner, ni céder leurs places quoiqu'il arrive. Ils sont tout simplement comme Benali, Moubarak, Kadhafi, etc. Peut être enfin parce que les prochaines saisons seront plus colorées que celle des autres pays arabes.
C'est pourquoi, les choses étant ce quelles sont, l'essentiel c'est de voter oui, non ou ne pas voter. L'essentiel c'est de rêver à ce que l'on va acquérir, et de ne pas jalouser les autres qui ont beaucoup eu. L'essentiel est surtout de ne plus souffler un mot sur la corruption puisque on va tous être comblé.
Un jour, une charmante fille de vingt ans qui avait quitté son pays et son souverain vers un pays européen pour fuir la misère, m'a choqué en me révélant qu'il lui arriver de prier pour son souverain dans les termes "Mon Dieu, faite écourter ma vie pour prolonger celle de mon souverain chéri". Quel contraste entre cette prière et les cris de détresse des concitoyens haragas de cette jeune fille et nos haragas qui en s'installant dans les embarcations de fortune pensent "plutôt risquer de mourir en mer que de supporter la hogra et la misère".
Quelle tristesse à entendre des victimes misérables et démunies exprimer de la générosité et de la sympathie vis a vis de leurs bourreaux. Oui, il est effroyable le conditionnement psychologique par la terreur intégrée, le chantage, la pression sociale, la manipulation des foules, le syndrome de Stockholm, etc. Il faut noter que le pays de cette jeune fille ne dispose pas du pétrole. Le notre en dispose mais on y glisse tout de même vers une situation commune.
Tout en recevant l'écho des shows de ceux qui ruinent avec arrogance et impunité ce pays pour nous convaincre que dorénavant tout irait bien, que le développement est a nos portes et que la lutte est férocement engagée contre la corruption et la bureaucratie; j'admets que c'est très burlesque sauf que le show ressemble à du déjà vu et n'offre que le vulgaire spectacle d'un serpent qui ne finit pas de se mordre la queue. Le vrai problème est que notre amère réalité est trop persistante et que toutes ces gesticulations déployées aux quatre vents ne sont que des coups d'épée dans l'eau.
Constantine, le 27 Décembre 2013.
Abdelouahab Zaatri